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HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
Nous reproduisons ici deux des scènes les plus convenables de cette histoire, qui prouve souvent, par ses détails scabreux, que nos pères ne redoutaient pas les facéties un peu graveleuses. Laurent Guyot ne fit que rajeunir un thème vieux de plus d'un siècle, et lui pro­cura ainsi un regain de succès qui dura de longues années. On a supposé, en effet, que si Molière avait cité la tenture de Gombaut et de Macée, c'est qu'il devait en posséder quelque panneau dans son mobilier. Les recherches d'Eudore Soulie ont prouvé qu'il n'en était rien. Le passage de l'Avare s'explique tout naturelle­ment par ce fait aujourd'hui acquis que l'histoire de Gombaut, ayant joui d'une véritable popularité, avait été reproduite à un grand nombre d'exemplaires. Molière a donc pu la rencontrer sou­vent dans ses longues pérégrinations à travers.la province.
Les modèles de Guyot furent copiés d'abord dans une des fa­briques royales pour lesquelles l'artiste travaillait ordinairement. Cette suite, très finement tissée, avec une large bordure, et dont les chiens placés aux angles inférieurs rappellent certains détails des gravures reproduites ici, figure dans l'inventaire général du mobilier de la couronne sous Louis XIV. Le musée des Gobelins a récemment acquis une pièce de cette tenture, avec la marque de Paris, la lettre P suivie d'une fleur cie lis; c'est certainement une épave de l'ancienne suite du mobilier royal.
Mais la plupart des tapisseries inspirées par les cartons de Guyot et que nous avons été à même d'examiner, soit à l'hôtel Carna­valet, soit au musée de Saint-Lô, soit dans des collections parti­culières, sont d'une exécution bien inférieure à celle dont nous venons de parler. On peut les attribuer, avec toute probabilité, aux ateliers d'Aubusson et de Felletin. Il existe même quelques mor­ceaux d'un grain assez grossier, prouvant que la popularité de cetle histoire avait amené les fabricants à en exécuter des exemplaires pour les bourses les plus modestes. Ainsi la dernière scène de la suite gravée, représentant la Mort fauchant les pauvres paysans fugitifs, manque aux séries les plus complètes. Nous n'en n'avons rencontré qu'une seule traduction en tapisserie; elle appartient à M. Paul Marmottan, le propriétaire de VHistoire de Susanne, dont il a été parlé plus haut.
Le succès des Amours de Gombaut et de Macée ne s'est pas arrêté aux frontières de la France. Une pièce qui porte la marque de Bruxelles représente une des scènes les plus fréquemment repro-